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Faire conflit pour sortir des violences et mieux vivre ensemble
Publié dans la revue alternative "Silence" Septembre 2020
Dans une revue indépendante qui porte un projet de transformation de la société dans le sens de la non violence, de la décroissance et de l’écologie sociale, un article sur le conflit a sa place car le conflit est utile pour sortir des violences.
Retranscription de l’article :
Un des paradoxes de l’être humain est d’affirmer que la richesse est dans les différences et en même temps d’avoir des difficultés à accueillir les divergences des autres, à refuser les points de vue opposés, à les faire taire, à vouloir contrôler les autres parfois.
Notre envie est de vivre avec les autres en les acceptant sans jugement et avec bienveillance et en même temps, nous pouvons nous en éloigner, en avoir peur, jusqu’à la haine de l’Autre parfois.
L’expérience d’une rencontre l’illustre : parfois il est facile d’entrer en relation, avec même la douce impression de se connaître depuis toujours. D’autres fois la rencontre est plus difficile. Nous ressentons spontanément de la sympathie ou de l’antipathie, inconsciemment. Cela peut créer un obstacle à aller vers l’Autre.
Cet obstacle résulte d’une peur, d’une méfiance déclenchée par l’Autre sans pour autant en avoir l’intention : dans le présent, l’Autre réveille une peur du passé, qui nous manipule et devient un filtre empêchant de voir la réalité, prêtant des intentions à l’Autre. Un processus de violence circulaire s’enclenche : la peur de l’Autre engendre de la violence qui à son tour engendre de la peur. Chacun fait violence à l’Autre.
Si on ne fait rien pour calmer ces peurs, notre point de vue sur l’Autre va se figer pouvant produire des violences qui freinent la coopération comme la domination de l’Autre, la soumission à l’Autre, l’abandon de l’Autre.
Sortir de ces violences, c’est refuser de croire qu’un groupe humain fonctionne toujours dans l’harmonie : nous sommes des êtres singuliers, dans des environnements multiples, aux vécus différents, aux comportements et compétences variés, avec des valeurs et des visions du monde souvent éloignées. Tout peut nous opposer !
Le conflit est normal : tout groupe humain a une vie émotionnelle. Le conflit est nécessaire, moteur de progrès, seule la violence est inacceptable.
« Faire société », « Faire famille », « Faire équipe » passe justement par se dire les choses pour faire conflit !
Or, il existe souvent une confusion entre « Violence » et « Conflit » : le conflit est associé à la violence, il fait peur. Nier cette conflictualité c’est risquer de maintenir et générer des violences, comme le désengagement, les non-dits, la soumission à l’autorité, l’auto- dépréciation. Et la peur du conflit est renforcée par la norme sociale de bienveillance à tout prix qui empêche la coopération.
Pour sortir de cette violence un processus existe : la Thérapie Sociale TST®, approche transdisciplinaire conçue par Charles ROJZMAN, prenant notamment appui sur la psychosociologie et la psychopathologie.
Il s’agit de « faire conflit » dans un cadre sécurisant, ponctué par des temps d’échanges entre personnes aux points de vue antagonistes, pour ainsi mieux se connaître et (re) créer de la confiance. Cet espace de conflits, accompagné par un- e intervenant- e, propose d’abord à chaque personne d’exprimer ses peurs, ses méfiances. La confiance pourra émerger grâce à ce travail sur les peurs.
Au rythme de chacun, les masques tombent, des relations plus sincères émergent. Les gens font l’expérience d’une nouvelle façon d’être en lien, découvrant la réalité des autres. Chaque personne peut regarder sa responsabilité et décider d’un objectif collectif commun pour (re)commencer à être et à faire ensemble.
Un processus d’intelligence collective se concrétise : partager des connaissances, entretenir des relations, élaborer et décider ensemble.
Cette intervention peut aussi montrer des limites notamment liées à l’Humanité du processus : travail au sein d’un groupe humain, l’intervenant -e est dans le groupe, au coeur des relations, du processus et de son animation. C’est un groupe d‘êtres humains parfaitement imparfaits, dans lequel chaque personne fait ce qu’elle peut, à son rythme. C’est l’interaction qui va produire la synergie nécessaire pour (re)créer de la coopération.
Les peurs créent de la méfiance mutuelle entre les gens et envers l’intervenant- e. Des stratégies inadéquates peuvent être déployées de part et d’autre : faire des alliances, porter un masque, trouver un bouc-émissaire… Et la thérapie sociale étant une approche vivante, portée sur les processus relationnels, tout peut arriver dans le groupe.
Une autre limite est liée aux membres du groupe et au commanditaire qui peuvent en attendre un diagnostic-conseil, une formation à la communication non violente ou à la gestion des conflits, une analyse de pratiques et des recettes toutes faites.
Or, les réponses émergent au sein du groupe, collectivement, la posture de l’intervenante-e crée les conditions pour que les personnes se rencontrent, élaborent et décident ce qui est bon pour leur coopération.
D’autres éléments peuvent réduire la coopération recherchée : le groupe peine à faire suffisamment conflit, d’autres fois le commanditaire propose cet espace à des personnes de son groupe d’appartenance (école, association, ), sans pour autant donner au groupe le temps suffisant pour faire conflit.
L’intervenante- e doit veiller à sa posture tout au long du processus : être suffisamment et sincèrement au service du groupe dans ses intentions et dans ce qu’il- elle peut faire. Croire qu’il est possible de « sauver » le groupe de toute violence, c’est risquer d’être dans la toute-puissance.
Assumer de faire conflit c’est s’opposer à la violence pour contribuer à des relations humaines plus sincères, plus libres en paroles et en liens.
Faire conflit, c’est aussi accepté d’être changé par l’Autre.